LE MALADE ET SA MALADIE

dimanche 5 janvier 2014
LE MALADE ET SA MALADIE


Les objectifs d’une telle approche sont multiples. Ils sont de

comprendre quand, pourquoi et comment une maladie prend sens

dans la vie et l’histoire d’un sujet, provoque une rupture ou

une discontinuité dans l’existence.

Ils sont aussi de comprendre en quoi la maladie altère les

idéaux de santé, non pas sociaux et collectifs, mais de

l’individu lui-même.

Ils sont de plus d’évaluer les effets psychiques de la

maladie, les réactions du patient à celle-ci, mais aussi aux

attitudes médicales et soignantes, voire aux réactions de

l’entourage familial.

Enfin, il est très important de saisir et comprendre pourquoi

et comment un sujet transforme des phénomènes intra-
psychiques. Les enjeux de la Psychologie Médicale sont aussi

d’intégrer le mode de pensée psycho-somatique.

1. Les caractéristiques de la maladie

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La maladie est à l’origine d’une atteinte de l’intégrité du

sujet, d’une gêne à l’exercice normal de sa vie. La maladie

entraîne une rupture de l’équilibre antérieur, à laquelle le

patient doit s’adapter. Cette adaptation mobilise une quantité

de l’énergie psychique du patient. Ainsi, la maladie est

susceptible de déclencher chez l’individu un certain nombre de

réactions, variables selon sa personnalité, sa représentation

imaginaire et la représentation collective de la maladie.

Les réactions psychologiques à la maladie dépendent de

facteurs liés à la maladie elle-même. Les maladies chronique

soulèvent des problèmes différents de ceux posés par les

maladies aiguës. Les maladies graves mobilisent profondément

la psychologie individuelle par une brusque résurgence de

l’angoisse de mort. Certaines maladies induisent des handicaps

aux conséquences multiples. Enfin, certaines affections

entraînent des réactions particulières qui dépendent de la

culture : par exemple les représentations culturelles de

l’épilepsie.

Même si l’expérience de la maladie est avant tout négative et

source de souffrance, la maladie peut aussi être source de

bénéfices.

Les bénéfices primaires jouent un rôle dans le déclenchement

de la maladie ou de l’accident, soit comme cause à part

entière soit comme facteur déclenchant. Ainsi, la maladie

permet d’apporter une solution à une situation de tension

interne ou de souffrance narcissique peu supportable : la

maladie apaise et soulage.

Les bénéfices secondaires résultent des conséquences de la

maladie sans intervenir directement dans son apparition, même

s’ils peuvent favoriser sa pérennisation. Certains bénéfices

sont conscients et connus du malade (arrêt de travail pour une

maladie) alors que d’autres sont inconscients : se soustraire

à des relations frustrantes, éviter les obligations familiales

et sociales, fuir dans l’imaginaire et la pensée magique, être

reconnu comme malade par l’entourage, être materné… Lorsque

ces différents bénéfices sont plus importants dans l’économie

du malade que ceux qu’il trouve dans son fonctionnement de

sujet sain, le sujet peut avoir des difficultés à guérir de sa

maladie.

2. Le patient

Le patient réagit à sa maladie en fonction de ce qu’il est,

notamment de son âge, son histoire personnelle et sa

personnalité. Différents modèles psychologiques et

psychopathologiques peuvent s’appliquer dans ce contexte.

. Modèles de « défense du moi »

Ils sont issus des théories psychanalytiques. Ce modèle

postule que, pour lutter contre tout ce qui peut susciter le

développement de l’angoisse, l’individu mobilise des

opérations inconscientes qu’on nomme « mécanismes de défense

du Moi ».

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Les mécanismes de défense peuvent être regroupés en 4

domaines :

- défenses psychotiques : projection délirante, déni,

distorsion

- défenses immatures : projection, fantaisie schizoïde,

hypocondrie, acting-out

- défenses névrotiques : refoulement, déplacement,

formation réactionnelle, intellectualisation, isolation

- défenses matures : altruisme, humour, anticipation,

sublimation, comportement passif agressif, suppression et

dissociation.

Les défenses habituellement considérées comme les plus

pathologiques sont les défenses psychotiques et immatures.

. Modèles de « coping »

Ils sont issus des théories cognitivo-comportementales. Le

verbe « to cope » signifie en anglais « faire face ». D’après

ces modèles, le stress, que l’on peut définir comme une

« réaction adaptative à un stimulus », ne dépendrait pas

seulement de l’événement, ni de l’individu, mais d’une

transaction entre l’individu et l’environnement. Ainsi, une

réponse inadaptée survient lorsqu’une situation (par exemple

une maladie) est évaluée comme débordant les ressources et

pouvant mettre en danger le bien-être. Cette réponse est le

résultat d’un déséquilibre entre les exigences de la situation

provocatrice et les ressources de l’individu pour y faire

face.

Les stratégies d’adaptation au stress peuvent être de

différentes natures : résolution du problème, notamment

recherche d’information., acceptation de la confrontation,

prise de distance ou minimisation des menaces, ré-évaluation

positive, auto-accusation, fuite-évitement, recherche d’un

soutien social, maîtrise de soi par exemple.

Globalement les stratégies actives sont souvent les plus

efficaces pour réduire la tension.

. La description des personnalités pathologiques a aussi

une pertinence dans le domaine de la psychologie médicale. Les

personnalités pathologiques induisent de véritables

difficultés thérapeutiques pour les médecins mal informés ou

peu sensibles à cet aspect de la psychopathologie.

3. Les types de réaction à la maladie

Toute maladie plonge le sujet dans une situation nouvelle et

déclenche de nombreuses modifications psychologiques. Le

médecin doit savoir reconnaître ces modifications

comportementales et l’origine de ces processus psychologiques

nouveaux : la compréhension de leur sens est en effet souvent

indispensable au bon déroulement du traitement proposé.

Différents types de réaction peuvent être retrouvés.

. Réactions anxieuses

Elles sont fréquentes.

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L’état de maladie représente pour l’individu une menace vitale

et une atteinte de l’intégrité du Moi. Elle est liée à la peur

de la mort, la souffrance, l’altération des liens affectifs

et/ou sociaux. Au cours de certaines maladies, l’angoisse est

expliquée par les mécanismes lésionnels et/ou biologiques.

L’anxiété associe des manifestations psychiques, somatiques et

comportementales. Elles sont décrites dans le chapitre

« troubles anxieux et troubles de l’adaptation ».

L’anxiété témoigne en général d’un processus normal

d’adaptation aux contraintes et aux conséquences de la

maladie. Lorsqu’elle est pathologique, l’anxiété nécessite

d’être traitée.

. Attitudes de régression et de dépendance

Il s’agit des réactions les plus banales. La régression

psychique est fonction de la gravité de la maladie et de la

structure de la personnalité du sujet. Cette régression peut

se traduire par une réduction des intérêts, un égocentrisme,

une dépendance vis à vis de l’entourage et des soignants, un

mode de pensée magique (croyance en la toute puissance du

médecin, du médicament).

La régression est un processus normal et nécessaire car il

permet au patient de s’adapter à la situation nouvelle de

maladie. Elle peut aussi être utile au processus thérapeutique

(observance du traitement par exemple). Alors que la maladie

favorise les processus de régression, la guérison doit

s’accompagner d’une reprise d’autonomie. C’est le cas pour

nombre de patients.

La régression peut être aussi pathologique si elle est trop

importante en intensité et en durée et empêche la

participation active et énergique du patient au processus

thérapeutique. Dans ces circonstances, la tâche du médecin

consistera à tenter de limiter les tendances régressives, pour

qu’elles ne constituent pas un frein à la guérison. Ces

attitudes sont souvent retrouvées chez les personnalités

passives-dépendantes et histrioniques.

Enfin, la régression et la dépendance peuvent être absentes.

Dans ce cas, le médecin doit favoriser l’expression de ces

processus pour obtenir de bons résultats thérapeutiques.

. Attitudes de minimisation, négation et refus de la

maladie

Ces réactions sont courantes. Elles peuvent aller jusqu’à des

attitudes de négation et de refus de la maladie reposant sur

des mécanismes de dénégation ou de déni. Par exemple, tel

patient « refuse de s’écouter » et dénie partiellement la

réalité en méconnaissant la gravité de son état et en

rationalisant sa maladie qui « est due à un surmenage

passager ».

Ces attitudes peuvent s’accompagner parfois de comportements

d’hyperactivité centrée sur la maladie (consultations

multiples).

. Réactions d’ordre narcissique

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Le narcissisme définit le caractère de « tout inviolable,

impérissable, important, capable et digne d’être aimé » de

l’individu (Balint). La maladie menace l’intégrité de

l’individu et induit des réactions variables sur son

narcissisme.

Certains patients se sente avant tout blessés et vivent une

expérience de « faille narcissique ». Certains la surmonteront

en se repliant sur eux-mêmes et en accentuant leur

égocentrisme, alors que d’autres développeront des thèmes

dépressifs associés à la crainte de ne plus être dignes d’être

aimés.

Certains patients au contraire voient leur narcissisme

renforcé par l’expérience de la maladie : l’intérêt porté à sa

propre personne malade devient la source de nombreuses

satisfactions. Certains comportements narcissiques pourront

être utiles au médecin, s’ils facilitent la participation du

patient à la thérapeutique. Ces réactions narcissiques sont

fréquentes chez les sujets dont la dimension de narcissisme

est une dimension dominante du fonctionnement psychique.

. Réactions dépressives

Elles sont fréquentes au cours des maladies chroniques et/ou

sévères. En effet, la maladie représente une atteinte de

l’image idéale de soi, c’est à dire du narcissisme du sujet.

Elle représente aussi une confrontation avec la mort. A ce

double titre, elle peut être à l’origine de réactions

dépressives, qui sont par ailleurs favorisées par certains

facteurs biologiques, lésionnels et thérapeutiques.

Les réactions dépressives peuvent être exprimées par le malade

(sentiment de dévalorisation, d’incomplétude, de fatalité avec

abandon de tout projet et de tout souhait) ou masquées par des

plaintes en particulier somatiques.

. Attitudes agressives et persécutives



L’agressivité n’est pas l’apanage des patients psychiatriques.

Elle est souvent le reflet de la perception d’une menace. Elle

peut s’exprimer de façons très variées : agressivité passive,

agressivité verbale voire agressivité physique.

L’agressivité peut aussi témoigner d’un sentiment d’injustice

et de persécution. Se considérant comme victimes d’une

agression, certains patients pensent plus ou moins

consciemment qu’on « on leur veut du mal ». Le mécanisme de


défense mis en jeu est un mécanisme projectif.

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