LE MALADE ET SA MALADIE
comprendre quand, pourquoi et comment une maladie prend sens
dans la vie et l’histoire d’un sujet, provoque une rupture ou
une discontinuité dans l’existence.
Ils sont aussi de comprendre en quoi la maladie altère les
idéaux de santé, non pas sociaux et collectifs, mais de
l’individu lui-même.
Ils sont de plus d’évaluer les effets psychiques de la
maladie, les réactions du patient à celle-ci, mais aussi aux
attitudes médicales et soignantes, voire aux réactions de
l’entourage familial.
Enfin, il est très important de saisir et comprendre pourquoi
et comment un sujet transforme des phénomènes intra-
psychiques. Les enjeux de la Psychologie Médicale sont aussi
d’intégrer le mode de pensée psycho-somatique.
1. Les caractéristiques de la maladie
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La maladie est à l’origine d’une atteinte de l’intégrité du
sujet, d’une gêne à l’exercice normal de sa vie. La maladie
entraîne une rupture de l’équilibre antérieur, à laquelle le
patient doit s’adapter. Cette adaptation mobilise une quantité
de l’énergie psychique du patient. Ainsi, la maladie est
susceptible de déclencher chez l’individu un certain nombre de
réactions, variables selon sa personnalité, sa représentation
imaginaire et la représentation collective de la maladie.
Les réactions psychologiques à la maladie dépendent de
facteurs liés à la maladie elle-même. Les maladies chronique
soulèvent des problèmes différents de ceux posés par les
maladies aiguës. Les maladies graves mobilisent profondément
la psychologie individuelle par une brusque résurgence de
l’angoisse de mort. Certaines maladies induisent des handicaps
aux conséquences multiples. Enfin, certaines affections
entraînent des réactions particulières qui dépendent de la
culture : par exemple les représentations culturelles de
l’épilepsie.
Même si l’expérience de la maladie est avant tout négative et
source de souffrance, la maladie peut aussi être source de
bénéfices.
Les bénéfices primaires jouent un rôle dans le déclenchement
de la maladie ou de l’accident, soit comme cause à part
entière soit comme facteur déclenchant. Ainsi, la maladie
permet d’apporter une solution à une situation de tension
interne ou de souffrance narcissique peu supportable : la
maladie apaise et soulage.
Les bénéfices secondaires résultent des conséquences de la
maladie sans intervenir directement dans son apparition, même
s’ils peuvent favoriser sa pérennisation. Certains bénéfices
sont conscients et connus du malade (arrêt de travail pour une
maladie) alors que d’autres sont inconscients : se soustraire
à des relations frustrantes, éviter les obligations familiales
et sociales, fuir dans l’imaginaire et la pensée magique, être
reconnu comme malade par l’entourage, être materné… Lorsque
ces différents bénéfices sont plus importants dans l’économie
du malade que ceux qu’il trouve dans son fonctionnement de
sujet sain, le sujet peut avoir des difficultés à guérir de sa
maladie.
2. Le patient
Le patient réagit à sa maladie en fonction de ce qu’il est,
notamment de son âge, son histoire personnelle et sa
personnalité. Différents modèles psychologiques et
psychopathologiques peuvent s’appliquer dans ce contexte.
. Modèles de « défense du moi »
Ils sont issus des théories psychanalytiques. Ce modèle
postule que, pour lutter contre tout ce qui peut susciter le
développement de l’angoisse, l’individu mobilise des
opérations inconscientes qu’on nomme « mécanismes de défense
du Moi ».
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Les mécanismes de défense peuvent être regroupés en 4
domaines :
- défenses psychotiques : projection délirante, déni,
distorsion
- défenses immatures : projection, fantaisie schizoïde,
hypocondrie, acting-out
- défenses névrotiques : refoulement, déplacement,
formation réactionnelle, intellectualisation, isolation
- défenses matures : altruisme, humour, anticipation,
sublimation, comportement passif agressif, suppression et
dissociation.
Les défenses habituellement considérées comme les plus
pathologiques sont les défenses psychotiques et immatures.
. Modèles de « coping »
Ils sont issus des théories cognitivo-comportementales. Le
verbe « to cope » signifie en anglais « faire face ». D’après
ces modèles, le stress, que l’on peut définir comme une
« réaction adaptative à un stimulus », ne dépendrait pas
seulement de l’événement, ni de l’individu, mais d’une
transaction entre l’individu et l’environnement. Ainsi, une
réponse inadaptée survient lorsqu’une situation (par exemple
une maladie) est évaluée comme débordant les ressources et
pouvant mettre en danger le bien-être. Cette réponse est le
résultat d’un déséquilibre entre les exigences de la situation
provocatrice et les ressources de l’individu pour y faire
face.
Les stratégies d’adaptation au stress peuvent être de
différentes natures : résolution du problème, notamment
recherche d’information., acceptation de la confrontation,
prise de distance ou minimisation des menaces, ré-évaluation
positive, auto-accusation, fuite-évitement, recherche d’un
soutien social, maîtrise de soi par exemple.
Globalement les stratégies actives sont souvent les plus
efficaces pour réduire la tension.
. La description des personnalités pathologiques a aussi
une pertinence dans le domaine de la psychologie médicale. Les
personnalités pathologiques induisent de véritables
difficultés thérapeutiques pour les médecins mal informés ou
peu sensibles à cet aspect de la psychopathologie.
3. Les types de réaction à la maladie
Toute maladie plonge le sujet dans une situation nouvelle et
déclenche de nombreuses modifications psychologiques. Le
médecin doit savoir reconnaître ces modifications
comportementales et l’origine de ces processus psychologiques
nouveaux : la compréhension de leur sens est en effet souvent
indispensable au bon déroulement du traitement proposé.
Différents types de réaction peuvent être retrouvés.
. Réactions anxieuses
Elles sont fréquentes.
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L’état de maladie représente pour l’individu une menace vitale
et une atteinte de l’intégrité du Moi. Elle est liée à la peur
de la mort, la souffrance, l’altération des liens affectifs
et/ou sociaux. Au cours de certaines maladies, l’angoisse est
expliquée par les mécanismes lésionnels et/ou biologiques.
L’anxiété associe des manifestations psychiques, somatiques et
comportementales. Elles sont décrites dans le chapitre
« troubles anxieux et troubles de l’adaptation ».
L’anxiété témoigne en général d’un processus normal
d’adaptation aux contraintes et aux conséquences de la
maladie. Lorsqu’elle est pathologique, l’anxiété nécessite
d’être traitée.
. Attitudes de régression et de dépendance
Il s’agit des réactions les plus banales. La régression
psychique est fonction de la gravité de la maladie et de la
structure de la personnalité du sujet. Cette régression peut
se traduire par une réduction des intérêts, un égocentrisme,
une dépendance vis à vis de l’entourage et des soignants, un
mode de pensée magique (croyance en la toute puissance du
médecin, du médicament).
La régression est un processus normal et nécessaire car il
permet au patient de s’adapter à la situation nouvelle de
maladie. Elle peut aussi être utile au processus thérapeutique
(observance du traitement par exemple). Alors que la maladie
favorise les processus de régression, la guérison doit
s’accompagner d’une reprise d’autonomie. C’est le cas pour
nombre de patients.
La régression peut être aussi pathologique si elle est trop
importante en intensité et en durée et empêche la
participation active et énergique du patient au processus
thérapeutique. Dans ces circonstances, la tâche du médecin
consistera à tenter de limiter les tendances régressives, pour
qu’elles ne constituent pas un frein à la guérison. Ces
attitudes sont souvent retrouvées chez les personnalités
passives-dépendantes et histrioniques.
Enfin, la régression et la dépendance peuvent être absentes.
Dans ce cas, le médecin doit favoriser l’expression de ces
processus pour obtenir de bons résultats thérapeutiques.
. Attitudes de minimisation, négation et refus de la
maladie
Ces réactions sont courantes. Elles peuvent aller jusqu’à des
attitudes de négation et de refus de la maladie reposant sur
des mécanismes de dénégation ou de déni. Par exemple, tel
patient « refuse de s’écouter » et dénie partiellement la
réalité en méconnaissant la gravité de son état et en
rationalisant sa maladie qui « est due à un surmenage
passager ».
Ces attitudes peuvent s’accompagner parfois de comportements
d’hyperactivité centrée sur la maladie (consultations
multiples).
. Réactions d’ordre narcissique
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Le narcissisme définit le caractère de « tout inviolable,
impérissable, important, capable et digne d’être aimé » de
l’individu (Balint). La maladie menace l’intégrité de
l’individu et induit des réactions variables sur son
narcissisme.
Certains patients se sente avant tout blessés et vivent une
expérience de « faille narcissique ». Certains la surmonteront
en se repliant sur eux-mêmes et en accentuant leur
égocentrisme, alors que d’autres développeront des thèmes
dépressifs associés à la crainte de ne plus être dignes d’être
aimés.
Certains patients au contraire voient leur narcissisme
renforcé par l’expérience de la maladie : l’intérêt porté à sa
propre personne malade devient la source de nombreuses
satisfactions. Certains comportements narcissiques pourront
être utiles au médecin, s’ils facilitent la participation du
patient à la thérapeutique. Ces réactions narcissiques sont
fréquentes chez les sujets dont la dimension de narcissisme
est une dimension dominante du fonctionnement psychique.
. Réactions dépressives
Elles sont fréquentes au cours des maladies chroniques et/ou
sévères. En effet, la maladie représente une atteinte de
l’image idéale de soi, c’est à dire du narcissisme du sujet.
Elle représente aussi une confrontation avec la mort. A ce
double titre, elle peut être à l’origine de réactions
dépressives, qui sont par ailleurs favorisées par certains
facteurs biologiques, lésionnels et thérapeutiques.
Les réactions dépressives peuvent être exprimées par le malade
(sentiment de dévalorisation, d’incomplétude, de fatalité avec
abandon de tout projet et de tout souhait) ou masquées par des
plaintes en particulier somatiques.
. Attitudes agressives et persécutives
L’agressivité n’est pas l’apanage des patients psychiatriques.
Elle est souvent le reflet de la perception d’une menace. Elle
peut s’exprimer de façons très variées : agressivité passive,
agressivité verbale voire agressivité physique.
L’agressivité peut aussi témoigner d’un sentiment d’injustice
et de persécution. Se considérant comme victimes d’une
agression, certains patients pensent plus ou moins
consciemment qu’on « on leur veut du mal ». Le mécanisme de
défense mis en jeu est un mécanisme projectif.
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