Le caractère pathologique de la réaction
Il n’y a pas de stratégie défensive idéale vis à vis de la
maladie. Le caractère pathologique de la réaction et la
nécessité d’une intervention thérapeutique seront en général
les suivants :
- la souffrance du patient et son inadaptation à la situation
- le caractère inhabituel de la réaction dans son intensité
- le caractère inhabituel de la réaction dans sa durée.
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III – LA RELATION MÉDECIN-MALADE
La relation thérapeutique médecin-malade est déterminée par de
nombreux facteurs, individuel et socio-culturels. De même que
le malade réagit à sa maladie en fonction de sa personnalité
propre, le médecin réagit face à son malade par un certain
nombre d’attitudes conscientes et inconscientes qui dépendent
de sa personnalité et de son histoire, et qui sont
susceptibles d’infléchir le cours de la relation
thérapeutique.
1. Les particularités psychiques et psychosociales du médecin
. Le choix individuel de la profession
Il s’explicite par des motivations conscientes sous-tendues
par des mobiles plus inconscients.
Ainsi les désirs de voir, comprendre, savoir, toucher, pouvoir
sont sous tendus par le couple pulsionnel voyeur-
exhibitionniste plus inconscient. Les désirs conscients de
soulager, se rendre utile, réparer, gagner de l’argent sont
sous tendus par l’attrait de la réparation des tendances
agressives et sadiques.
. Les attentes de la société
Elles peuvent influer sur le choix de la profession. Elles
concernent : le savoir technique, l’altruisme, l’universalité
du pouvoir, le désintéressement, la neutralité affective,
morale, juridique voire politique et religieuse. Ces attentes
réelles ou imaginaires peuvent confronter le médecin à des
conflits internes.
2. Les caractéristiques générales de la relation médecin-
malade
. Les données classiques
Avec ses symptômes, un malade demande certainement au médecin-
technicien de le guérir de sa maladie, mais il demande aussi
d’autres choses. L’Homme malade demande soutien, réassurance,
sécurité et affection ; il demande donc à son médecin une
véritable relation affective et une disponibilité, compatibles
avec l’exigence de neutralité qui incombe au médecin.
Le médecin réagit devant son malade non seulement comme un
technicien averti des maladies, mais aussi comme personne
ayant une histoire propre, plus ou moins sensible à la
souffrance de l’autre.
Ainsi la relation médecin-patient a les caractéristiques
suivantes :
- c’est une relation fondamentalement fondée sur l’inégalité
et l’asymétrie, puisque la demande du patient le rend passif
et dépendant et puisque sa souffrance le mobilise et le
diminue.
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- c’est une relation d’attente et d’espérance mutuelle : le
malade attend la guérison ou au moins le soulagement, le
soignant la reconnaissance de son pouvoir réparateur
- c’est une relation où le lieu d’échange est avant tout le
corps mais où la parole a sa place
- c’est une relation de confiance non égalitaire, impliquant
la distance et l’aseptie.
. L’apport du modèle psychanalytique
La théorie psychanalytique a défini le concept de transfert.
Il s’agit des réactions affectives conscientes et
inconscientes qu’éprouve le patient à l’égard de son médecin.
En effet, dans le cadre de la relation médecin-malade des
désirs inconscients sont actualisés et un certain nombre de
désirs insatisfaits du patient vont se projeter sur la
personne du médecin en ce qu’il représente – inconsciemment –
un autre personnage. Le malade peut ainsi répéter des
situations conflictuelles qu’il a vécu dans son passé.
La théorie psychanalytique a aussi défini le concept de
contre-transfert alors que le malade est sujet au transfert,
le contre-transfert se définit comme les réactions affectives
conscientes et inconscientes qu’éprouve le médecin vis à vis
de son patient. Ce contre-transfert et très directement lié à
la personnalité et à l’histoire personnelle du médecin.
Le plus souvent, le contre-transfert est positif, permettant
une relation médecin-malade de qualité caractérisée par
l’empathie du médecin et une action thérapeutique efficace.
Une relation médecin-malade de qualité fait référence au fait
que le médecin s’identifie au patient et comprend sa situation
tout en étant capable de garder une certaine distance vis à
vis de lui, distance requise par l’objectivité nécessaire à la
prise de décisions thérapeutiques.
Un contre-transfert excessivement positif risque de conduire à
une identification massive au malade et/ou à une perte
d’objectivité dans les soins.
Ailleurs, un contre transfert négatif induisant l’agressivité
et des frustrations excessives du malade peut être à l’origine
d’échecs de la relation thérapeutique. Il en est de même pour
une absence de contre-transfert qui peut conduire à une
froideur excessive.
. L’apport des travaux de M. Balint
M. Balint, psychanalyste hongrois, a développé une modalité
originale d’approche de la relation médecin-malade.
Ces travaux sont issus de quelques constatations : 1. il
existe un certain nombre d’insuffisances de la médecine
traditionnelle, qui étudie plus les maladies que les malades.
2. Un tiers de l’activité professionnelle d’un médecin
généraliste ne relève que d’une action psychothérapeutique et
3. que la relation médecin-malade s’organise entre 2 pôles
extrêmes de domination et de soumission auxquels correspondent
le pouvoir du médecin et la fragilité du malade.
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Pour Balint, le médecin est un remède en soi, même si son
action est médiatisée par un médicament. Ainsi, une meilleure
maîtrise de la relation inter-individuelle doit permettre au
médecin d’établir avec son patient un échange affectif qui
aura des vertus curatives. C’est l’objectif des « Groupes
Balint » consacrés à l’approche en groupe des diverses
problématiques relationnelles médecin-malade.
. Les données récentes
La relation médecin-patient est actuellement en pleine
mutation.
Mettant en avant les droits de l’individu, notre société
souhaite faire évoluer la relation médecin-patient d’un modèle
« paternaliste » vers un modèle d’ « autonomie ». Cette
évolution se traduit notamment dans les nouvelles obligations
liées à l’information et consentement éclairé du patient
concernant les soins et à la communication du dossier médical
au patient.
Ainsi, le médecin risque d’avoir une marge de manœuvre
relativement faible entre ses obligations éthiques et
déontologiques anciennes d’une part et ces nouvelles modalités
de fonctionnement d’autre part.
D’une façon un peu schématique, la situation pourrait être
ainsi résumée : le médecin devra trouver un juste milieu entre
deux pôles extrêmes.
Le premier pôle est une relation dite « paternaliste » trop
inégalitaire, respectant insuffisamment l’individu, trop peu
concerté et informé des traitements.
Le second rôle correspond à une relation dite d’
« autonomie ». Dans cette relation, le médecin,
désinvestissant son rôle et son statut de médecin, se
déresponsabiliserait de toute décision pour le patient : le
patient, sensé être capable de prendre les meilleures
décisions pour lui-même (dans les domaines aussi difficiles
que sa maladie ou sa mort par exemple), serait quant à lui
renvoyé à des décisions imprenables, car le mettant dans une
position ingérable en termes psychologiques et risquant de
conduire au fait qu’il ne bénéficie pas des meilleurs
traitements pour lui-même.
En pratique, et pour respecter le patient sans se dédouaner de
son rôle, le médecin se devra d’expliquer sa maladie au
patient en adaptant son langage à celui du patient. La
communication du dossier médical devra se faire, autant que
possible, dans le respect de ces grands principes.
3. Quelques situations pratiques
Quelques exemples particulièrement fréquents sont illustrés
dans ce paragraphe
. Attitudes face à l’angoisse
L’attitude la plus adaptée est le plus souvent une attitude
souple d’écoute bienveillante, centrée sur les préoccupations
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du malade, associée une attitude de ré-assurance et
d’explication des symptômes.
Certains médecins, au tempérament « actif » et « volontaire »
préfèreront des attitudes plus directives, qui entretiennent
l’image mythique du « médecin-Sauveur ». Elles sont sous-
tendues par une tentative d’identification directe du malade
au médecin : « Soyez fort comme moi ». Ce type d’attitude
donne des résultats inconstants, parfois négatifs.
. Attitudes face à l’agressivité :
Les réactions agressives du médecin face à l’agressivité du
patient sont fréquentes car certains médecins tolèrent mal les
revendications agressives de leurs patients. Ces réactions
agressives sont à éviter car elles entraînent souvent une
escalade dans l’agressivité et une rupture de la relation
thérapeutique.
L’attitude la plus adaptée consiste, dans la mesure du
possible à reconnaître et nommer l’émotion du patient, ne pas
refuser le principe du dialogue mais sans chercher à discuter
rationnellement.
. Attitudes face à l’hypochondrie
L’hypochondriaque confrontera le médecin à l’impuissance
thérapeutique. Si le médecin l’accepte, il évitera toute
surenchère de médicalisation qui pérenniserait les troubles
voire les aggraverait.
. Attitudes face à la séduction histrionique
Ces patients, suggestibles, influençables, dépendants se
moulent au corps médical avec une plasticité étonnante. Guérir
pourrait alors signifier pou eux une rupture de ce lien
affectif. Ce phénomène favorise l’engrenage des
hospitalisations abusives, de la iatrogénie, des bénéfices
secondaires. Le médecin doit avoir pour objectif de prévenir
cet engrenage.
. Effet non spécifique : effet placebo
Le placebo désigne toute substance pharmacologique inerte,
susceptible de modifier l’état du malade, soit en l’améliorant
(effet placebo-positif), soit en déclenchant des effets
indésirables (effet placebo-négatif ou effet nocebo).
L’effet placebo dépend de nombreux facteurs : nature des
symptômes pour lesquels il est administré, présentation du
placebo et modalités de sa prise (nombre et couleur des
comprimés), personnalité du sujet, influence du prescripteur.
Les sujets placebo-répondeurs sont plutôt les sujets sociables
et extravertis, qui ont une « attente » par rapport aux effets
du produit. Le prescripteur, influence la réponse au placebo.
La relation positive au médecin favorise la réponse au placebo
et par extension au traitement actif.
. Observance et relation médecin-malade
Une réaction médecin-malade de qualité est un facteur qui
favorise l’observance du traitement médicamenteux au long
cours.
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Conclusion
L’ensemble de ces enjeux, dont la complexité est perceptible
justifie pour le moins une formation psychologique du médecin,
qui devrait être acceptée et reconnue par tous.
Dans une société en pleine mutation pour ce qui est de la
relation médecin-patient, cette formation permettra au
médecin :
. d’éviter l’utilisation inadaptée et parfois pathogène
des dimensions psychologiques
. de jouer son rôle apaisant et réorganisateur à travers
la qualité de la relation établie avec le patient et son
entourage.
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