Le caractère pathologique de la réaction

dimanche 5 janvier 2014
Le caractère pathologique de la réaction


Il n’y a pas de stratégie défensive idéale vis à vis de la

maladie. Le caractère pathologique de la réaction et la

nécessité d’une intervention thérapeutique seront en général

les suivants :

- la souffrance du patient et son inadaptation à la situation

- le caractère inhabituel de la réaction dans son intensité

- le caractère inhabituel de la réaction dans sa durée.

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III – LA RELATION MÉDECIN-MALADE

La relation thérapeutique médecin-malade est déterminée par de

nombreux facteurs, individuel et socio-culturels. De même que

le malade réagit à sa maladie en fonction de sa personnalité

propre, le médecin réagit face à son malade par un certain

nombre d’attitudes conscientes et inconscientes qui dépendent

de sa personnalité et de son histoire, et qui sont

susceptibles d’infléchir le cours de la relation

thérapeutique.

1. Les particularités psychiques et psychosociales du médecin

. Le choix individuel de la profession

Il s’explicite par des motivations conscientes sous-tendues

par des mobiles plus inconscients.

Ainsi les désirs de voir, comprendre, savoir, toucher, pouvoir

sont sous tendus par le couple pulsionnel voyeur-
exhibitionniste plus inconscient. Les désirs conscients de

soulager, se rendre utile, réparer, gagner de l’argent sont

sous tendus par l’attrait de la réparation des tendances

agressives et sadiques.

. Les attentes de la société

Elles peuvent influer sur le choix de la profession. Elles

concernent : le savoir technique, l’altruisme, l’universalité

du pouvoir, le désintéressement, la neutralité affective,

morale, juridique voire politique et religieuse. Ces attentes

réelles ou imaginaires peuvent confronter le médecin à des

conflits internes.

2. Les caractéristiques générales de la relation médecin-
malade

. Les données classiques

Avec ses symptômes, un malade demande certainement au médecin-
technicien de le guérir de sa maladie, mais il demande aussi

d’autres choses. L’Homme malade demande soutien, réassurance,

sécurité et affection ; il demande donc à son médecin une

véritable relation affective et une disponibilité, compatibles

avec l’exigence de neutralité qui incombe au médecin.

Le médecin réagit devant son malade non seulement comme un

technicien averti des maladies, mais aussi comme personne

ayant une histoire propre, plus ou moins sensible à la

souffrance de l’autre.

Ainsi la relation médecin-patient a les caractéristiques

suivantes :

- c’est une relation fondamentalement fondée sur l’inégalité

et l’asymétrie, puisque la demande du patient le rend passif

et dépendant et puisque sa souffrance le mobilise et le

diminue.

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- c’est une relation d’attente et d’espérance mutuelle : le

malade attend la guérison ou au moins le soulagement, le

soignant la reconnaissance de son pouvoir réparateur

- c’est une relation où le lieu d’échange est avant tout le

corps mais où la parole a sa place

- c’est une relation de confiance non égalitaire, impliquant

la distance et l’aseptie.

. L’apport du modèle psychanalytique

La théorie psychanalytique a défini le concept de transfert.

Il s’agit des réactions affectives conscientes et

inconscientes qu’éprouve le patient à l’égard de son médecin.

En effet, dans le cadre de la relation médecin-malade des

désirs inconscients sont actualisés et un certain nombre de

désirs insatisfaits du patient vont se projeter sur la

personne du médecin en ce qu’il représente – inconsciemment –

un autre personnage. Le malade peut ainsi répéter des

situations conflictuelles qu’il a vécu dans son passé.

La théorie psychanalytique a aussi défini le concept de

contre-transfert alors que le malade est sujet au transfert,

le contre-transfert se définit comme les réactions affectives

conscientes et inconscientes qu’éprouve le médecin vis à vis

de son patient. Ce contre-transfert et très directement lié à

la personnalité et à l’histoire personnelle du médecin.

Le plus souvent, le contre-transfert est positif, permettant

une relation médecin-malade de qualité caractérisée par

l’empathie du médecin et une action thérapeutique efficace.

Une relation médecin-malade de qualité fait référence au fait

que le médecin s’identifie au patient et comprend sa situation

tout en étant capable de garder une certaine distance vis à

vis de lui, distance requise par l’objectivité nécessaire à la

prise de décisions thérapeutiques.

Un contre-transfert excessivement positif risque de conduire à

une identification massive au malade et/ou à une perte

d’objectivité dans les soins.

Ailleurs, un contre transfert négatif induisant l’agressivité

et des frustrations excessives du malade peut être à l’origine


d’échecs de la relation thérapeutique. Il en est de même pour

une absence de contre-transfert qui peut conduire à une

froideur excessive.

. L’apport des travaux de M. Balint

M. Balint, psychanalyste hongrois, a développé une modalité

originale d’approche de la relation médecin-malade.

Ces travaux sont issus de quelques constatations : 1. il

existe un certain nombre d’insuffisances de la médecine

traditionnelle, qui étudie plus les maladies que les malades.

2. Un tiers de l’activité professionnelle d’un médecin

généraliste ne relève que d’une action psychothérapeutique et

3. que la relation médecin-malade s’organise entre 2 pôles

extrêmes de domination et de soumission auxquels correspondent

le pouvoir du médecin et la fragilité du malade.

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Pour Balint, le médecin est un remède en soi, même si son

action est médiatisée par un médicament. Ainsi, une meilleure

maîtrise de la relation inter-individuelle doit permettre au

médecin d’établir avec son patient un échange affectif qui

aura des vertus curatives. C’est l’objectif des « Groupes

Balint » consacrés à l’approche en groupe des diverses

problématiques relationnelles médecin-malade.

. Les données récentes

La relation médecin-patient est actuellement en pleine

mutation.

Mettant en avant les droits de l’individu, notre société

souhaite faire évoluer la relation médecin-patient d’un modèle

« paternaliste » vers un modèle d’ « autonomie ». Cette

évolution se traduit notamment dans les nouvelles obligations

liées à l’information et consentement éclairé du patient

concernant les soins et à la communication du dossier médical

au patient.

Ainsi, le médecin risque d’avoir une marge de manœuvre

relativement faible entre ses obligations éthiques et

déontologiques anciennes d’une part et ces nouvelles modalités

de fonctionnement d’autre part.

D’une façon un peu schématique, la situation pourrait être

ainsi résumée : le médecin devra trouver un juste milieu entre

deux pôles extrêmes.

Le premier pôle est une relation dite « paternaliste » trop

inégalitaire, respectant insuffisamment l’individu, trop peu

concerté et informé des traitements.

Le second rôle correspond à une relation dite d’

« autonomie ». Dans cette relation, le médecin,

désinvestissant son rôle et son statut de médecin, se

déresponsabiliserait de toute décision pour le patient : le

patient, sensé être capable de prendre les meilleures

décisions pour lui-même (dans les domaines aussi difficiles

que sa maladie ou sa mort par exemple), serait quant à lui

renvoyé à des décisions imprenables, car le mettant dans une

position ingérable en termes psychologiques et risquant de

conduire au fait qu’il ne bénéficie pas des meilleurs

traitements pour lui-même.

En pratique, et pour respecter le patient sans se dédouaner de

son rôle, le médecin se devra d’expliquer sa maladie au

patient en adaptant son langage à celui du patient. La

communication du dossier médical devra se faire, autant que

possible, dans le respect de ces grands principes.

3. Quelques situations pratiques

Quelques exemples particulièrement fréquents sont illustrés

dans ce paragraphe

. Attitudes face à l’angoisse

L’attitude la plus adaptée est le plus souvent une attitude

souple d’écoute bienveillante, centrée sur les préoccupations

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du malade, associée une attitude de ré-assurance et

d’explication des symptômes.

Certains médecins, au tempérament « actif » et « volontaire »

préfèreront des attitudes plus directives, qui entretiennent

l’image mythique du « médecin-Sauveur ». Elles sont sous-
tendues par une tentative d’identification directe du malade

au médecin : « Soyez fort comme moi ». Ce type d’attitude

donne des résultats inconstants, parfois négatifs.

. Attitudes face à l’agressivité :

Les réactions agressives du médecin face à l’agressivité du

patient sont fréquentes car certains médecins tolèrent mal les

revendications agressives de leurs patients. Ces réactions

agressives sont à éviter car elles entraînent souvent une

escalade dans l’agressivité et une rupture de la relation

thérapeutique.

L’attitude la plus adaptée consiste, dans la mesure du

possible à reconnaître et nommer l’émotion du patient, ne pas

refuser le principe du dialogue mais sans chercher à discuter

rationnellement.

. Attitudes face à l’hypochondrie

L’hypochondriaque confrontera le médecin à l’impuissance

thérapeutique. Si le médecin l’accepte, il évitera toute

surenchère de médicalisation qui pérenniserait les troubles

voire les aggraverait.

. Attitudes face à la séduction histrionique

Ces patients, suggestibles, influençables, dépendants se

moulent au corps médical avec une plasticité étonnante. Guérir

pourrait alors signifier pou eux une rupture de ce lien

affectif. Ce phénomène favorise l’engrenage des

hospitalisations abusives, de la iatrogénie, des bénéfices

secondaires. Le médecin doit avoir pour objectif de prévenir

cet engrenage.

. Effet non spécifique : effet placebo

Le placebo désigne toute substance pharmacologique inerte,

susceptible de modifier l’état du malade, soit en l’améliorant

(effet placebo-positif), soit en déclenchant des effets

indésirables (effet placebo-négatif ou effet nocebo).

L’effet placebo dépend de nombreux facteurs : nature des

symptômes pour lesquels il est administré, présentation du

placebo et modalités de sa prise (nombre et couleur des

comprimés), personnalité du sujet, influence du prescripteur.

Les sujets placebo-répondeurs sont plutôt les sujets sociables

et extravertis, qui ont une « attente » par rapport aux effets

du produit. Le prescripteur, influence la réponse au placebo.

La relation positive au médecin favorise la réponse au placebo

et par extension au traitement actif.

. Observance et relation médecin-malade

Une réaction médecin-malade de qualité est un facteur qui

favorise l’observance du traitement médicamenteux au long

cours.

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Conclusion

L’ensemble de ces enjeux, dont la complexité est perceptible

justifie pour le moins une formation psychologique du médecin,

qui devrait être acceptée et reconnue par tous.

Dans une société en pleine mutation pour ce qui est de la

relation médecin-patient, cette formation permettra au

médecin :

. d’éviter l’utilisation inadaptée et parfois pathogène

des dimensions psychologiques

. de jouer son rôle apaisant et réorganisateur à travers

la qualité de la relation établie avec le patient et son

entourage.

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